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Interview de Thierry Roquefeuil, président de la FNPL « Nous restons focalisés sur le prix »

Thierry Roquefeuil président Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL).

À quelques jours de la fin des négociations commerciales entre distributeurs et industriels, Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, nous explique les enjeux et les tensions entre industriels et producteurs ces dernières semaines, du fait de l’avancement de un mois du délai de clôture de ces négociations, exigé par la loi en 2024.

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Quel est l’effet de la loi du 17 novembre dernier portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation des produits de grande consommation, avançant les dates de clôture des négociations commerciales à fin janvier ?

Thierry Roquefeuil : L’avancée du calendrier des négociations commerciales, du fait de la loi, ne nous rend pas spécialement service ! Si les discussions ont été avancées entre la distribution et les industriels par la loi, elles ne l’ont pas été entre les producteurs et leurs industriels, aussi bien les privés que les coopératives. Cela crée des tensions. Finalement, les négociations commerciales risquent de se clôturer fin janvier avec pour les producteurs ce que les industriels accepteront de leur donner. En théorie, ce ne devrait pas être une problématique de non-respect du prix de la matière première agricole (MPA) dans les contrats car cette dernière n’est pas négociable. Mais la problématique de fixation de la valeur de cette MPA reste entière. Le résultat de cette loi voulue par Bruno Le Maire pour faire baisser les prix va actuellement à l’encontre d’Égalim où il s’agit avant tout de partir du coût de production des producteurs pour fixer les prix.

Quel a été justement l’impact de l’inflation sur les coûts de production des éleveurs ?

T. R. : L’Idele a estimé une hausse des coûts de production pour les éleveurs avec l’inflation de 7 %. Elle n’est pas inférieure à 2 ou 3 %, comme le revendiquent certains industriels et comme le montrent certaines compta­bilités de 2023 portant en fait sur 2022. Il faudrait attendre les comptabilités de cette année pour voir vraiment l’effet de l’inflation. Les discussions sont accélérées du fait de cette loi et ne sont pas assez posées. Je milite pour pacifier les marchés. Je n’accepte pas le discours de Bruno Le Maire de faire redescendre les prix alors que toutes les hausses de prix liées à l’inflation ne sont pas passées. À l’avenir, il faudra avancer aussi l’envoi des CGV des producteurs à septembre pour garder deux mois de marge de négociation et retrouver plus de sérénité.

En même temps, la collecte ne cesse de baisser en France. Comment les industriels réagissent-ils ?

T. R. : La collecte a baissé de presque 3 % en France durant l’année 2023. En parallèle, la consommation se maintient. Elle ne se casse pas la figure, même si du fait de l’inflation, il y a des transferts de consommation entre les marques nationales et les MDD. Mais c’est aux industriels de s’adapter. Nous vendons le même lait qu’il parte en MDD ou en marques nationales ! Nous commençons à voir des signaux de PME qui craignent de manquer de lait, avec une influence sur le marché du lait Spot. Le fait que des producteurs changent de laiterie est bien le fait marquant de 2023. Cela ne se voyait pas avant. Dans ce sens, les laiteries les plus attractives auront très probablement plus de lait demain. Et être attractif passe aussi par le prix payé au producteur.

Justement au sujet des rapports entre producteurs et laiteries, quelle est la réaction de la FNPL face à la décision de justice entre Savencia et Sunlait ?

T. R. : Il s’agit d’une décision de justice, je la respecte donc. Sans préjuger du contenu de la relation contractuelle entre Savencia et Sunlait, passer du blanc au noir tel que cela s’est passé montre que les écrits sont indispensables dans les relations commerciales entre les producteurs et leurs industriels. Ainsi, il faut mettre toutes les chances de notre côté pour éviter ce genre de problème. Je souhaite aujourd’hui que, dans cette situation, l’ensemble des producteurs continuent d’être collectés au 1er mars. À la FNPL, nous défendons l’organisation économique des producteurs, qui doit donc rester centrale dans la relation entre eux et Savencia. Même si Sunlait se pourvoit en cassation, le premier jugement n’est pas suspensif et les vaches vont continuer à produire. Il faut que les éleveurs soient collectés et le lait payé à un prix rémunérateur.

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